Conte 1 : "Pendant ce temps là..."

La nuit s'étendait sur la ville des hommes en ces jours de pré solstice d'hiver, sombre, épaisse et impénétrable. Le vent soufflait dans les rues et ruelles, répandant un froid pénétrant jusqu'aux os. Les hommes étaient nerveux. Ils avaient peur. Ils avaient toujours peur. Peur de leur ombre, peur de leur potentiel, peur de la nuit. Cette nuit même qu'ils tentaient d'éclairer par leur pitoyable Technologie morbide et moribonde, répandant un incendie dans les cieux qui masquait la douce lueur des étoiles, donnant une teinte crépusculaire à tout nuage qui se prélassait dans les airs.

Je contemplais la cité des hommes du haut d'un très haut building, tendant l'oreille de mes 7 sens, écoutant la rumeur de la cité de la peur des hommes. Les voitures rugissaient dans les rues, les voix humaines hurlaient pour s'entendre, le vrombissement électromagnétique emplissaient chaque recoin de chaque immeuble, espace vide, espace vital. Tout se mêlait dans un capharnaüm étourdissant de confusion mentale.

"Comme toujours, la peur imprègne les rues."

"N'est-ce pas fascinant ?"

Un collègue et ami venait de se matérialiser à quelques pas de moi et s'approchait désormais du rebord. Le teint noir, les lunettes de soleil noir, le pantalon et la veste noir, il affichait un complet vestimentaire qu'il semblait aimer depuis ces "derniers temps".

"Qui aurait cru que le Comte de Saint Germain aime en ces temps troublés un look qui ressemble férocement à un membre de la CIA ? Fais attention mon ami, tes fidèles vont avoir une attaque cardiaque."

"Je ne vois pas de quoi tu parles très chère. Je leur ai épargné la veste blanche et la cravate noire. Et puis, j'ai pris un teint noir pour justement qu'on ne m'identifie pas trop au cas où l'on me verrait en train de discuter avec toi ici."

Un sourire amusé s'étirait sur nos visages. S'il y avait bien une chose qui était génial, c'était les paradoxes qui nous permettaient de faire de l'humour dans un environnement aussi vaseux.

"Tout s'achemine vers le grand Final si ma lecture des Lignes de Temps est correct."

"Oui mon ami. Dans très peu de temps, la Transmigration Temporelle s'effectuera sans encombre."

"Suis-je arrivé "à temps" pour assister à la première mise en information libre ?"

"Comme d'habitude, mon ami, tu es toujours à l'heure à la seconde près."

S'en suivit un long silence rempli de réflexions et de songes.

"Je me demande à quoi peut bien ressembler leur état de Conscience de la situation."

"Tu aimerais tester ?"

Un autre sourire fleurit sur mes lèvres.

"Il n'y a plus "de temps" pour ça."

Saint Germain se tourna vers moi et me regarda de ses grands yeux violets dissimulés à ce moment là par les lunettes de soleil.

"Tu aurais aimé être parmi eux n'est-ce pas ?"

Je soupirai. Rien n'était caché à notre niveau de fréquence. Ce n'était pas que cela m'énervait que tout le monde sache, c'était juste un réflexe acquis après avoir fréquenté la matière pendant trop longtemps.

"Des fragments de Qui je Suis sont là pour y assister à ma place. Mais je ne te cache pas qu'il me tarde de ressentir l'Intégralité de leurs Expériences."

Saint Germain m'envoya une onde mentale amusée.

"Ce n'est pas comme si tu ne pouvais pas déjà y accéder... Le temps n'existe pas."

"Je suis  une grande joueuse qui n'aime pas le spoiler. J'aime l'idée de découvrir en même temps qu'eux, même si bien sûr, je le sais déjà."

Saint Germain éclata de rire, ce qui eut pour effet de transformer le béton gris en béton violet. Puis il déclara en pouffant :

"Toi aussi, tu es tombée amoureuse de la matière !"

Je fermai un instant les yeux.

"Cela se voit je pense. Les hommes ne se rendent pas compte du cadeau qui leur a été fait et qui va leur être une nouvelle fois donné."

Le regard physique et vibratoire de Saint Germain se perdit dans le ciel, ce qui eut pour effet de faire se déplacer un nuage et faire faiblir l'intensité lumineuse technologique : quelques étoiles apparurent.

"Tu vas nous faire repérer, arrête ça !"

Saint Germain sourit d'un air goguenard.

"Laisse, c'est un signe pour ceux qui voient."

"Vas y molo sur les signes. Si on se fait choper, on risque encore de nous prendre pour Jésus et Marie !"

"Madeleine ?"

"Note que ce serait une bonne surprise, mais tu ne m'auras pas avec ça."

C'est alors que nous captâmes une onde mentale plus élevée à travers tout ce chambard qui s'étalait sous nos yeux. Un humain avait repéré le coin de ciel dégagé.

"Allez arrête maintenant ! On va vraiment se faire choper !"

"Ils repèrent de plus en plus vite, c'est bien." dit Saint Germain en essayant de changer de sujet.

"Avec tout ce qu'on leur a mis dans la gueule au niveau vibratoire et tout ce qu'on leur a bassiné, c'est pas triste qu'ils repèrent tiens !"

Je mimais la colère et l'exaspération, mais je ne cachais pas ma bonne humeur de voir ça. Saint Germain alors continua :

"La Transmigration Temporelle hein ? Si j'avais été encore limité par la matière en ce temps précis, en voyant tout ça, j'aurais sans doute du mal à y croire."

"Heureux ceux qui croient sans voir disait Jésus. S'ils ont un seul gramme de bon sens, ils s'en souviendront."

"D'après ma lecture de la Ligne de Temps, nous avons déjà commencé à divulguer des codes pour l'Activation Interne des Capacités ?"

"Tout est encore théorique à "l'heure" où nous parlons, mais c'est en réémergeance, oui."

"Hmm je vois."

Un autre long silence lourd de sens multiples s'installa entre nous. C'est alors que du plus profond de nous, et autour de nous, nous entendîmes la Source :

"L'Hiver vient."

En chuchotant nous complétâmes : "Et la nuit est sombre et pleine de Terreur".

Saint Germain se tourna vers moi et me salua en ces termes :

"Ainsi vient l'Extase..."

Je me tournai à mon tour vers lui et compléta avec un radieux sourire.

"Qui conduit à la Mort."

Dans un seul et même élan, nous nous jetâmes dans les bras l'un de l'autre, union d'un baiser fugace tandis que nos cellules faisaient exploser leur fréquence vibratoire en un big bang sublime. La Matière se contorsionna autour de nous et finit par se ségmenter en milliers de dodécaèdres univers où le Lion rugissait. En un extatique flamboiement, les dodécaèdres se touchèrent pour n'en former plus qu'un.

Les ponts étaient établis. La croisée des mondes se faisait. Tout était bien.


Sur le toit d'un très haut building new-yorkais, deux personnes avaient disparu dans une déchirure spatio-temporelle au moment où toute lumière s'éteignit et où toute Lumière s'épanouit.


J'étais Bardhena de l'Union des dodécaèdres-univers, et mes contes sont d'unification.