Conte 5 : L'émerveillement

Assise sur sa fleur de lotus flottant sur une mare tranquille, elle regarde les étoiles se refléter à la surface de l'eau.

Il fait nuit et elles scintillent dans le ciel. Il fait noir, et la lune brille dans le ciel.

Sa main aux doigts arachnéens se tend jusqu'à toucher un des points scintillants, créant une ride sur l'eau de l'étang. Une image se forme sur le miroir liquide. Il s'agit d'une jeune femme allongée sur une feuille d'arbre gigantesque d'un beau vert de printemps.

Une autre étoile se transforme en image mouvante. Un jeune guerrier fait couler le sang vermeille de son épée double sur un champ de bataille aride.

Paix d'un côté, guerre de l'autre. Calme et violence. Innocence d'un côté et dégénérescence de l'autre.

Elle ne ressent pas de tristesse pour le jeune guerrier, ni de partialité envers la jeune femme allongée sur sa feuille. Ils sont magnifiques car tous deux sont des poètes en train de s'émerveiller.

 

Comme pour confirmer ses pensées, les deux jeunes gens se mettent à rire au même instant.

Ils s'émerveillent de la poésie de l'instant et en jouissent : petite goutte d'eau allant s'étaler sur son front. Petite goutte de sang allant s'écraser sur le sien. La poésie de l'eau et du sang.

 

Une troisième image se forme entre les deux premières. On y voit un jeune homme assis à son bureau, occupé à écrire sa poésie. Une poésie faite de fleurs épanouies et de sang gouttant des marches d'un escalier.

La demoiselle sur son lotus sourit. Ainsi les deux contraires se sont retrouvés, pense-t-elle.

 

"Poésie de l'Un et de l'Autre. Grand Émerveillement n'est-il pas ?"

murmure Bardhena maîtresse de l'Un.

 

Sur les trois images mouvantes, les Poètes sourient à cette parole.